jeudi 25 novembre 2010

Critique | Nicki Minaj - Pink Friday

Nicki Nicki Yum Yum !


C’était en 2010, l’heure était grave. Lil’ Kim avait en effet décidé de finir ses jours en prison où elle « exploitait mieux les draps qu’en dehors », selon ses propres mots, Trina s’était perdue sous les bureaux pour se faire pardonner son nouveau flop. Seule Drake faisait figure de star montante du Hip-Hop féminin. Désespérés, nous nous étions alors envolés à bord de notre vaisseau spatial à la recherche de chair fraîche, à la fois tendre pour paraître assez grand public mais assez consistante pour se bâtir un vrai univers dans la Constellation Urbaine.

Au loin, voisinant les Terres dominantes et impitoyables de la Pop, se trouvait une contrée inconnue qui tendait la bouche vers l’extérieur. Nicki. La légende disait qu’elle était Bar-bite, Barbie Rap, Barbie R&B, Barbie Pop, Barbie Merde. Ho, Nicki pose sur le nouveau Aguilera putassier. Sur le nouveau Careyment stupide. Sur le macho Ludacris.

Planète en vue, capt’aine !
Descente en cours !


La Terre Promise était vierge - enfin, c’est ce qu’elle nous avait dit. Nous en avions tant entendu parler et rien n’avait pu nous dévier de sa route. Le vaisseau bifurqua, trembla au fur et à mesure qu’il descendait à travers la Silicon Valley avant de se poser sur ce qui semblait être le point de grognement de la planète. Bienvenue dans le monde de Nicki Minaj. Aux premiers abords, la surface était plane, nous pensions poser le pied sur une nouvelle sensation Hip-Hop à l‘état brut, une vraie, remontée à bloc, bonne, poilue. Nous la voulions, cette massive attaque, mais pour l‘heure le flow de la Rappeuse semblait bouché par la somme des semences déposées par ses précédentes collaborations.
Je fus choisi, peu après l’atterrissage, pour m’insérer dans le trou afin qu’elle laisse enfin s’échapper le souffle de ses entrailles, le feu d’artifice à l’image de l’artiste qui se montrerait enfin au naturel, la Massive Attack qui la placerait parmi les grands du métier. Grand Dieu, pardonne moi, je ne savais pas ce que je faisais. Massive Attack il y a eu, mais ce ne fut pas celle que j‘attendais. J’ai placé mes mains sur le bouchon et l’ai retiré, et l’ai laissée s’exprimer. La vraie Nicki est alors apparue dans un BOOM. L’envahisseur est là. BOOM. Elle arrive. BOOM. Préparez vous à être immergés par la réelle Nicki. Au choc que vous n'aviez pas vu venir. Oui. Bienvenue dans…

[Tha PiinK Revii[Oo]uw]

« KiiKoo » dit elle, « Al[Oo]rs dèj@ Bii1v’nue sùùr m@ pLaNèète. Bestiih m’@ dii 2 pAa ca$hé mA vRaiie iiDanTiithey D-rièère m[Oo]n gR[oO] Cùùl al[Oo]rs me Voiilii ! »

L’intégralité de mon équipage s’enfuit alors à toutes jambes. Ils refermèrent les portes du vaisseau et s’envolèrent en catastrophe, avant de s’écraser dans une explosion gigantesque sur le front de Rihanna qui passait par là.

« L[Oo]liil[Oo]l y [Oo]nt pAa pù TesT m[Oo]n albùùm TMTC ! »

C’était en effet dur de tester, ça l’était encore plus de se retrouver à des années-lumière du fantasme que nous nous étions créé. Démarrer sa fake-carrière en se faisant faire un fake-cul, n’était ce pas le prélude d’une grande carrière? Remplacer les gémissements par des grognements et des grosses voix, n’était ce pas une Révolution dans le Hip-Hop féminin? Coucher avec Christina Aguilera tous les soirs pour en aspirer le maquillage, n’était ce pas l’acte le plus intelligent qu’on avait pu voir dans le show-business depuis la parution des photos de nue de Kanye West? La vue de cette Nickiie me fît perdre la vue, tout était devenu noir, je me sentais tomber… Et puis j’ai ressorti la tête de son cul. Là, Pink Friday est apparu dans toute sa splendeur. Je me sentais comme dans les bras de Circé. Mais elle ne me transformait pas en gros cochon, comme je l’aurais souhaité, mais en choupinet un peu gay. Je lui demandais alors des explications, et, après m’avoir offert une sucette, elle s’assit et commença :

« Al[Oo]rs En 1O leùss[Oo]n poùùr fR 1 aLbùùm En 2O1O iil fAùùt :

1. Enprùùthey lE viisùùaiil A KaTii Pourii
Comme ça, au moins, on attire le public jeune, et on le capte sur la durée. C’est vrai quoi, quand je montrais mes gros seins dégueulasses sur mes mixtapes ou dans mes clips, j’avais l’impression de satisfaire les oreilles ET la libido des amateurs du genre. Ca me convenait pas, j’ai pas créé mon cul à l’image du Titanic pour qu’on le mâte ! Alors au moins, avec ma pochette rose pâle et mon visuel de Barbie-Casse-Couille à deux pas de la danseuse de ballet, je suis sûr que si les niggaz achètent mon album, ils l’apprécieront pour ce qu’il est réellement et pas pour la biiatch qu’il y a dessus. Pas pour moi, quoi, loooooooool.


2. Faiir dhey viibes R&Bii p[Oo]ur sAatiisfR lèès fAan dù jeenr.
Tous les rappeurs font appels à une pétasse quelconque pour faire les refrains de leurs sons. A quoi bon faire de même quand on EST déjà une pétasse quelconque? Gniihiihiihiihii. Moi je viibe comme Kenza Farah et les autres, c’est mon talent secondaire parce que le Rap, ça va 2mn hein. Commencer mes chansons par des wohuhuuuuwoooo, c’est trop pink keuwa. Je tiens des notes de merde et en plus c’est toujours les mêmes, mais le pubic c’Est-ce qu’il veut, alors c’Est-ce que je veux aussi. Dear Old Nicki, Your Love, Right Thru Me, Blazin… Je viibe, je viibe, je viibre !

3. ChAanthey, ChAanthey p[Oo]ùr sE D-ciinhey 1 m[Oo]nde !
Je chante sur la moitié des chansons de mon album, mes Lives prouvent que je ne sais réellement pas le faire, que ça n’est ni dans mes cordes ni dans mes gênes, mais hé, Rihanna non plus et ça fait 5 ans qu’elle le fait alors pourquoi pas moi? Parce que je suis avant tout une rappeuse dis-tu? Et mon cul, c’est du… poulet?

4. Tii1 An pAarlAan d’lôôtR Pùùte, L à p[Oo]sé aK moii !
2 duos la même année, wahou quel projet! Ca aurait pu être avec une de mes camarades rappeuses, mais le front de Rihanna était assorti à mon cul, alors ce fut elle. Attends, Live Your Life, Run This Town, Love The Way You Lie, c’est vraiment LA meuf qui me rapportera des sous en featuring ! Du coup y a une track sur mon album qui est plus un Rihanna ft Nicki qu’un Nicki ft Rihanna, but business is business ! J’ai été maligne, j’ai gardé le moins dégueulasse des 2 sons pour mon album, gniihiihiihiihii !


5. PaArlhey d’Amùùr et dmaiilanc[Oo]liiE !
Tu dois reconnaître que mes textes sont bien écrits, là au moins je suis inspirée (c’est un fait bien rare sur cet album, alors soulignons le, gniihiihiihiihiihii). J’ai emprunté la plupart de mes thèmes à Jena Lee, c’est beaucoup plus simple ! Faire la teuf ouééé, faire des bizou ouééé, faire le point sur ma vie treuh dure ouééé ! Reste l’égotrip où des fois ça passe (I’m The Best) mais des fois j’me ridiculise (Roman’s Revange) et là j’préfère faire des RRRAH RRRAH GRRRR CRACK BOUM UH treuh drôles comme ça on voit pas que je clash mes aînées qui elles ne se défilent pas en faisant de la Pop. Mais chut, j’ai rien dit !


6. P[Oo]zéé sùùr dhey pr[Oo]d’ sAn ààmE nii reshèèrsh !
Quand on pose en featuring sur tout et n’importe quoi, les gens ont du mal à cerner ton univers. La même sur mes mixtapes très diversifiées. Tout ce qui me caractérisait bien, c’était mon univers déjanté. Alors quand on m’a offert MON album, il me fallait un son général à l’image de ma propre folie. Alors j’ai réfléchi, mais réfléchir ça me donne des rides et ça, ça va pas avec mon personnage de Barbie. Ca donne donc :


7. Dhey iin$trùù P[Oo]p cùùcùù :
Parce que l’amùùr et la mélancoliie ça se chante pas sur des prod de bourrin ! Alors, que ça soit Fly, Your Love, Right Thru Me, Dear Old Nicki ou Save Me, moi je fais comme les autres : un petit piano, une percussion douce, pis ça donne tout plein de petits mids sur lequel je rappe et chante en monocorde. GENIUS !


8. Dhey iin$trùù P[Oo]p 1 peu BzzBzz élèktr[Oo]nik
Ca me rappelle le temps où je jouais dans des studios en carton et où je rajoutais des effets tout partout. Un jour j’ai croisé Beyoncé qui partait avec tout plein de démos avec le nom d’autres artistes écris dessus. Elle en a oublié quelques unes qu’elle avait apparemment foutu dans la corbeille, chais pas pourquoi lol. Alors j’les ai prises, j’ai posé dessus et ainsi sont nés des sons comme Roman’s Revenge. Je kiffe poser sur ce genre de prod’, c’est soo 2010, soo générique comme ça je risque pas de décevoir, n’Est-ce pas? Check It Out, Did It ON’Em…


9. ZaAp-hey lèè meiilleùùRs KréAtiion psq sa fl[Oo]p !!!!!
« Massive Attack, Massive Attack, get the bomb bomb make the whole club go back hey. »
Nan, c’est encore trop artistique pour moi.
« This is my moment I just feel so alive, alive, alive… dudoudidoum»
Much better !


10. Faiir dlAa p[Oo]P san sAavoiir ShAanthey kwa !



Mon traducteur lâcha à ce moment là. Nicki Minaj, après plus d’un an de médiatisation constante en tant qu’artiste Hip-Hop venait de se transformer en artiste Hype-Pop devant mes yeux. Réduite à en cacher ses lady-parts. Réduite à en cacher son talent artistique. Réduite à en être une « pétasse pop », quoi. Une mauvaise pétasse Pop, qui plus est. En résumé, si on l’accepte comme tel, il faut tout de même se séparer de la majeure partie de l’album et rester dans le mignonnet. Your Love, Fly, Save Me, The Last Chance, Blazin’ sont à écouter si l’on se sent prêt à se séparer de toute créativité. On se retrouve alors avec le mode d’emploi de la production Pop 2010 sans vie à laquelle s’est abonnée Nicki Minaj. Un comble pour un debut-album, son interprête aura simplement posé ses grosses fesses de flemmarde pour se laisser aller aux productions les plus génériques de Swizz Beatz ou Will I Am, pourtant capables eux-mêmes de faire bien vu. Plutôt que de dégonfler Barbie, ils ont plutôt profité de son côté blonde pour la rendre has-been dès le début de sa carrière... Un comble.
La grosse ironie de Nicki Minaj, c’est d’avoir le cul entre deux chaises. Chaque cul est assez gros pour l’emporter dans un univers particulier. Les 2 fesses rassemblées pourraient lui faire faire tellement mieux que ça. Mais au lieu de ça, quand on lui laisse enfin la chance de montrer ce dont elle est capable, on se retrouve avec… Pink Friday, tout plein de chansons Pop parlant d’amour, quelques détritus en featuring et un Hip-Hop à peine suggéré.
Pink Friday, un album Rap? Non, il n’en a pas les épaules. Pink Friday, un album Pop? Non, il n’en a pas les épaules. Pink Friday, un album? Non, plutôt l'un de ces astéroïdes que l'on voit dans tous les mauvais films de Science Fiction. Annoncé comme énorme au début, et dont l'on attend secrètement qu'une chose : qu'il pète à la gueule des Américains. Au final, le monstre est un caillou. Au final, Nicki est Nickée.


Perdu dans mes pensées, je ne fis pas attention à ces secousses qui secouaient la planète. Ce ne fut qu’après avoir fini de pleurer que je levai les yeux au ciel et apercevais une horrible silhouette. La planète se faisait aspirer par un trou noir, à l’allure funeste et dont les effets semblaient irréversibles. Il semblait terminer d’avaler un projet tout entier, nommé GROTESQUE, avant d’accomplir un rot magistral :

Va Nicki ta race !

8/20, édition Standard.
11/20, édition Deluxe, pour l'effort.

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